Information précontractuelle défaillante : des franchiseurs condamnés

le 15 mars 2007

L’un des arguments invoqués par les franchisés devant les tribunaux, est l’absence d’informations sincères à la signature du contrat. Soit le franchiseur n’aurait pas communiqué le Document d’Information Précontractuelle exigé par la loi Doubin, soit il a délivré une étude de marché fantaisiste, ou encore un prévisionnel exagérément optimiste. Ce fut le cas dans des affaires impliquant Piazzetta Buitoni. (groupe Nestlé), et Moly (Délices du Mitron). Dans la troisième situation, le franchisé Point Soleil n’a pas gagné son procès..

Piazetta Buitoni (Nestlé)

 Ce concept fut lancé au début des années 2000 par le groupe Nestlé, propriétaire de la marque Buitoni. En fait, il s’agissait de camions à pizzas améliorés : des Kangoo portant le logo Piazzetta Buitoni vendus par le franchiseur au franchisé, Buitoni fournissant ensuite tous les produits.

Le franchisé a pu démontrer que le franchiseur ne lui avait jamais fourni de Document d’Information Précontractuelle. Ce dernier d’ailleurs ne s’en cachait pas : selon lui, ce n’était pas nécessaire car le franchisé ne bénéficiait d’aucune exclusivité territoriale ; mais le tribunal a souligné que « l’exclusivité viseé par la loi couvre toutes les formes d’exclusivité et de quasi-exclusivité imposées au cocontractant ». De plus, la société Piazetta Buitoni n’avait pas pris la peine d’expérimenter son concept. Elle l’a mis en place « sans avoir préalablement vérifié sa rentabilité et testé les conditions d’exploitation, notamment concernant l’équipement du véhicule Piazzetta qui s’est avéré défectueux et inadapté ».

Dans cette affaire, le franchisé a obtenu  la nullité du contrat et le versement de 18.480 euros par la société Piazzetta Buitoni.

Exclusivité et D.I.P. : que dit la loi ?

Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause.
Article 1er, loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 dite Loi Doubin

Moly (Délices du Mitron)

Un franchisé Délices du Mitron ouvre son terminal de cuisson à Nîmes en août 2000, sur l’emplacement d’une ancienne station-service. La société « n’a, jusqu’à sa cessation d’activité le 1er novembre 2002, réalisé que des pertes et la moitié environ du chiffre d’affaires annoncé dans les comptes prévisionnels établis par le franchiseur », comme le constate la Cour d’appel de Montpellier.

A qui la faute ?

Pour le franchiseur, le coupable est le franchisé qui, selon lui, a eu le tort de fermer boutique au mois d’août, d’engager un personnel pléthorique, et de ne pas avoir achevé des travaux de rénovation.

Le tribunal ne suit pas le franchiseur, mais fustige par contre les comptes prévisionnels qu’il a transmis au franchisé. Extraits :

« L’étude de base dont ils sont censé être issus, et qui devrait nécessairement exister, n’a pas été produite malgré l’insistance du franchisé ».

« Les comptes prévisionnels ont nécessairement été élaborés en considération d’une ouverture sept jours sur sept et de sept heures du matin à vingt heures trente le soir imposée par le contrat de franchise, illégale au regard de l’obligation (…) de fermer un jour par semaine et de n’ouvrir que cinq dimanches par mois dans le département du Gard ».

Le franchiseur a « par sa négligence et son impéritie fourni au candidat à la franchise des renseignements établis sur des bases purement théoriques et des conseils lourdement erronés qui ont induit ce dernier en erreur quant à l’opportunité et à la rentabilité de l’opération ».

Le franchisé a obtenu l’annulation du contrat et le paiement de sommes, tous motifs confondus, d’élevant à un total de 110 699 euros.

Point Soleil

Autre situation : un franchisé Point Soleil s’oppose à son franchiseur, avec lequel il a passé contrat le 7 août 2003.

Son centre ouvre en janvier de l’année suivante, et en décembre 2004, au regard de ses difficultés d’exploitation, le conflit éclate. Le franchisé estime alors que « la loi Doubin fait obligation au franchiseur de renseigner le candidat franchisé pour qu’il s’engage en connaissance de cause. Or, le franchiseur n’a pas fourni d’éléments permettant d’appréhender le marché local et n’a pas effectué le moindre analyse du marché local ». Il affirme que les prévisionnels qui lui ont été communiqués sont irréalistes.

Mais le tribunal estime que le franchisé ne prouve pas ses dires et qu’il « ne démontre pas comment son consentement a pu être vicié ». Et le franchisé perd son procès.

Il ne suffit pas en effet d’avoir raison : il faut être en mesure de le prouver. C’est pourquoi il est de bonne politique d’anticiper les situations de conflit, comme le fait le franchiseur qui conserve un récépissé des pièces communiquées au franchisé. Tout franchisé a intérêt à conserver toutes les traces de ses rapports avec son franchiseur, pour pouvoir les produire en temps utile, et ne pas se trouver démuni lorsque survient la bise conflictuelle.

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