La cour de cassation conteste la validité des clauses intuitu personae (3 juin 08)

le 14 février 2009

Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du mardi 3 juin 2008

N° de pourvoi: 06‑13761

Publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Favre, président

Mme Maitrepierre, conseiller rapporteur

M. Bonnet, avocat général

Me Odent, SCP Gatineau, avocat(s)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sodico a conclu, le 11 juillet 1997, avec la société Comptoirs modernes économiques de Rennes (la société CMER) un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin d'alimentation sous l'enseigne "Comod" ; qu'aux termes de ce contrat, d'une durée de sept ans, à compter du 15 juillet de la même année, la société Sodico s'engageait à effectuer l'essentiel des achats nécessaires à l'exploitation de son magasin auprès du franchiseur ; que cette société a notifié, le 14 mars 2002, à la société Comptoirs modernes supermarché ouest (la société CMSO), venant aux droits de la société CMER, la rupture de leurs relations contractuelles et a déposé l'enseigne "Comod" pour lui substituer l'enseigne "G 20" ; que, par arrêt infirmatif du 3 juillet 2002, la cour d'appel de Rennes, statuant en référé, a condamné la société Sodico, d'unie part, à déposer l'enseigne "G 20" et à remettre l'enseigne "Comod" et, d'autre part, à poursuivre avec la société CMSO leurs relations contractuelles jusqu'au terme prévu au contrat, et ce sous astreinte ; que, par actes des 26 et 27 mars 2002, la société CMSO a fait apport, à la société Prodim, de la branche d'activité de franchiseur et d'animateur du réseau de franchise "Comod", y compris des contrats y afférents et, à la société CSF, de la branche d'activité d'exploitation commerciale et d'approvisionnement de fonds de commerce de type supermarchés ; qu'après la réalisation de ces apports partiels d'actifs, placés sous le régime des scissions, les sociétés Prodim et CSF ont assigné la société Sodico en liquidation d'astreinte, puis, au fond, en nullité de la résiliation du contrat, en poursuite des relations contractuelles et en indemnisation de leur préjudice ; qu'après avoir assigné les sociétés Diapar et Groupe 20 en Indemnisation de leur préjudice, en tant que tiers complices de la rupture abusive du contrat par la société Sodico, pour avoir, du 22 mars au 27 juillet 2002, approvisionné cette dernière et permis l'apposition de l'enseigne "G 20" sur le magasin concerné, les sociétés Prodim et CSF ont assigné la société Diapar en indemnisation de leur préjudice pour avoir continué à approvisionner la société Sodico, après avoir reçu, le 29 juillet 2002, la signification de l'arrêt rendu en référé le 3 juillet de la même année, qui obligeait la société Sodico à poursuivre ses relations contractuelles avec la société CMSO ; 

Sur le premier moyen

Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; 

Mais, sur le second moyen, pris en sa première branche 

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 236‑3 et L. 236‑22 du code de commerce ; 

Attendu que le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut, sauf accord du franchisé, être transmis par l'effet d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions ; 

Attendu que, pour déclarer les sociétés Prodim et CSF recevables à agir contre la société Diapar, l'arrêt retient que les traités d'apport partiels d'actifs soumis au régime des scissions emportent transmission universelle de tous les droits, biens et obligations afférents à la branche d'activité de l'apport, de la société apporteuse à la société bénéficiaire et que, parmi ces droits, biens et obligations figurent les décisions de justice que la société bénéficiaire est fondée à faire exécuter pour son propre compte ; 

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Sodico avait, le 14 mars 2002, notifié à la société CMSO, venant aux droits de la société CMER, la fin de leurs relations contractuelles et, que la société Sodico avait continué à s'approvisionner, exclusivement ou principalement, auprès de la société Diapar, après la réalisation, sous le régime des scissions, des apports partiels d'actifs émanant de la société CMSO en faveur des sociétés CSF et Prodim, ce dont il résulte que la société Sodico n'avait pas consenti à la transmission aux sociétés Prodim et CSF du contrat de franchise, qu'elle avait conclu en considération de la personne du franchiseur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le même moyen, pris en sa deuxième branche

Vu l'article 1165 du code civil ;

Attendu que, pour déclarer les sociétés Prodim et CSF recevables à agir contre la société Diapar, l'arrêt retient encore, par motifs propres et adoptés, que la société Diapar, en tant que tiers au contrat de franchise, ne peut, contrairement au franchisé, se prévaloir du caractère intuitu personae de celui‑ci et soutenir que ce contrat, par l'effet de l'apport qui a emporté changement de franchiseur, a nécessairement pris fin ; 

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les tiers à un contrat peuvent invoquer à leur profit, comme constituant un fait juridique, la situation créée par ce contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs 

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a écarté des débats les pièces communiquées par la société Diapar le 5 décembre 2005, l'arrêt rendu le 24 janvier 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ; 

Condamne les sociétés Prodim et CSF aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Diapar la somme globale de 2 500 euros et rejette leur demande ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille huit. 

Publication : Bulletin 2008, IV, N° 110 

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes du 24 janvier 2006 

Titrages et résumés : CONTRATS DE DISTRIBUTION ‑ Franchise ‑ Nature juridique ‑ Contrat conclu en considération de la personne du franchiseur ‑ Transmission par le franchiseur ‑ Conditions ‑ Détermination Portée Le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut, sauf accord du franchisé, être transmis par l'effet d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions. 

Dès lors, viole l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L, 236‑3 et L. 236‑22 du code de commerce, une cour d'appel qui, pour déclarer des sociétés bénéficiaires d'un tel apport, réalisé par un franchiseur, recevables à agir en indemnisation de leur préjudice contre une société assurant l'approvisionnement du franchisé, retient que les traités d'apports partiels d'actifs soumis au régime des scissions emportent transmission universelle de tous les droits, biens et obligations afférents à la branche d'activité de l'apport, de la société apporteuse à la société bénéficiaire 

SOCIETE COMMERCIALE (règles générales) ‑ Scission ‑ Apport partiel d'actif ‑ Soumission au régime des scissions ‑Effets ‑ Transmission d'un contrat de franchise ‑ Conditions ‑ Détermination 

Précédents jurisprudentiels: Sur la transmissibilité des contrats conclus en considération de la personne, à rapprocher : Com., 13 décembre 2005, pourvoi n° 03‑16.878, Bull. 2005, IV, n° 255 (rejet) ; Com., 7 juin 2006, pourvoi n° 05‑11.384, Bull. 2006, IV, n° 140 (cassation) ; Com., 3 juin 2008, pourvoi n° 06‑18.007, Bull. 2008, IV, n° 111 (cassation) Sur les effets d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions, à rapprocher : Com., 5 mars 1991, pourvoi n° 88‑19.629, Bull. 1991, IV, n° 100 (cassation partielle) 

Textes appliqués article 1134 du code civil ; articles L. 236‑3 et L. 236‑22 du code de commerce

 

Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du mardi 3 juin 2008

N° de pourvoi: 07‑11313

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Favre (président), président

Me Hémery, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant 

Statuant, tant sur le pourvoi principal des sociétés Bretépil et Hyères épilation, que sur le pourvoi incident relevé par la société Arwen ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2006), que les sociétés Bretépil et Hyères épilation ont dénoncé les contrats de franchise qu'elle avaient conclus avec la société Arwen, motif pris de manquements du franchiseur à ses obligations contractuelles, puis ont assigné ce dernier en annulation des conventions, pour vice du consentement ; que la société Arwen a reconventionnellement agi en paiement de dommagesintérêts, notamment pour violation des obligations de non‑concurrence stipulées aux contrats ; 

Sur le moyen unique du pourvoi incident 

Attendu que la société Arwen fait grief à l'arrêt d'avoir limité à un euro symbolique l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la violation par des obligations contractuelles de non‑concurrence, alors, selon le moyen, que l'inexécution d'une obligation de ne pas faire se résout en dommages‑intérêts ; que le juge qui constate l'existence d'un préjudice est tenu de l'évaluer ; que la cour d'appel, qui a constaté la violation par les société Bretépil et Hyères épilation de leur obligation contractuelle de non‑concurrence et qui, au prétexte de l'absence de preuve du montant du préjudice, a refusé d'évaluer le montant du dommage et a alloué au franchiseur la somme symbolique d'un euro, a violé les articles 4, 1142, 1147 et 1149 du code civil ; 

Mais attendu que la cour d'appel a justifié l'indemnisation du préjudice par l'appréciation souveraine qu'elle en a faite ; que le moyen n'est pas fondé ; 

Et attendu que les moyens invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi principal ; PAR CES MOTIFS 

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ; 

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille huit. 

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris du 23 novembre 2006 

 

Cour de cassation

chambre commerciale

Audience publique du mardi 3 juin 2008

N° de pourvoi: 06‑18007

Publié au bulletin

Cassation

Mme Favre, président

M. Pietton, conseiller rapporteur

M. Bonnet, avocat général

Me Le Prado, Me Odent, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 6 avril 2000, Mme X... a conclu un contrat de franchise pour l'exploitation d'un fonds de commerce sous l'enseigne SPAR, avec la société Medis aux droits de laquelle vient, à la suite d'une fusion‑absorption du 30 novembre 2002, la société Distribution Casino France (la société Casino) ; que par avenant du 5 mars 2001, conclu entre la société Medis et Mme X..., une clause attributive de juridiction a désigné les tribunaux du siège du franchiseur ; qu'après avoir fait constater que Mme X... vendait des produits d'une marque concurrente et lui avoir notifié d'avoir à payer une certaine somme au titre de marchandises impayées, la société Casino a assigné Mme X... devant le tribunal de commerce de Saint‑Etienne aux fins d'obtenir la résiliation du contrat aux torts de la franchisée, le paiement de marchandises impayées et le versement de diverses indemnités ; que Mme X... a soulevé l'incompétence du tribunal, invoquant l'inopposabilité de la clause attributive de juridiction, faute de transmission du contrat à la société Casino à raison du caractère intuitu personae du contrat de franchise ; 

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche 

Vu l'article 1844‑4 du code civil ; 

Attendu que pour accueillir le contredit de compétence de la société Casino, l'arrêt retient que la société médis a été absorbée par la société Casino qui, bénéficiaire de la fusion, est la continuatrice des engagements souscrits par la société Medis et que le contrat de franchise et ses avenants ont été transmis avec le patrimoine de la société absorbée ; 

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion‑absorption à une société tierce, qu'avec l'accord du franchisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche 

Vu l'article 1315 du code civil ; 

Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que la société Casino avait adressé des factures à Mme X... de mai à décembre 2003, sur du papier à en‑tête Distribution Casino France, que la mise en demeure de payer en date du 9 août 2004 émanait également de la société Casino, que les procès‑verbaux de constat, dressés les 1er juillet et 16 septembre 2004, l'avaient été à la demande de la société Casino, et que Mme X... n'avait pas alors contesté être franchisée de la société Casino ; 

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juin 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ; 

Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ;

Détail d'une jurisprudence judiciaire 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille huit. 

Publication : Bulletin 2008, IV, N° 111 

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon du 8 juin 2006 

Titrages et résumés : CONTRATS DE DISTRIBUTION ‑ Franchise ‑ Nature juridique ‑ Contrat conclu en considération de la personne du franchiseur ‑ Transmission par le franchiseur ‑ Conditions ‑ Détermination Portée Le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion‑absorption à une société tierce, qu'avec l'accord du franchisé 

SOCIETE (règles générales) ‑ Fusion ‑ Fusion‑absorption ‑ Effets ‑ Transmission d'un contrat de franchise Conditions ‑Détermination 

Précédents jurisprudentiels: A rapprocher : Corn., 3 juin 2008, pourvoi n° 06‑13.761, Bull. 2008, IV, n° 110 (cassation partielle) 

Textes appliqués article 1844‑4 du code civil

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