Articles et Arrêts
le 04 juillet 2009
Cour de cassation
chambre commerciale
Date de l'audience publique Audience publique du mardi 9 juin 2009
Numéro de pourvoi N° de pourvoi: 08-14301
N° de pourvoi: 08-14301
Non publié au bulletinCassation partielle sans renvoi
Mme Favre (président), président
Me Odent, SCP Richard, avocat(s)
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 22 mars 1996, la société Perrosdis (le franchisé) a conclu avec la société Distribution Casino France (le franchiseur) un contrat de franchise d'une durée de sept ans pour l'exploitation d'un fonds de commerce sous l'enseigne "Casino" ; qu'à l'issue de ce contrat, le franchiseur a assigné le franchisé en paiement de diverses sommes à titre, notamment, de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle qu'il avait souscrite, aux termes de laquelle le franchisé s'engageait, pendant un an et sur un rayon de 30 kilomètres autour du supermarché, d'une part, à ne pas exploiter ou participer d'une quelconque manière, directement ou par personne interposée, à l'exploitation, la gestion, l'administration, le contrôle d'un fonds de commerce ou d'une entreprise ayant une activité identique ou similaire à l'unité en franchise, et d'autre part, à ne pas s'affilier, adhérer, participer de quelque manière que ce soit à une chaîne concurrente du franchiseur, en créer une lui-même, ou, plus généralement, se lier à tout groupement ou organisme ou entreprise concurrente du franchiseur ;
Sur la recevabilité du moyen unique, pris en sa première branche, contestée par la défense :
Attendu que le franchiseur soutient que le moyen est nouveau et, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;
Mais attendu que le moyen n'est pas nouveau, dès lors que le franchisé contestait devant la cour d'appel la validité de la clause litigieuse au regard du droit communautaire ;
Et sur cette première branche du moyen :
Vu l'article 5 b) du règlement CE n° 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées ;
Attendu que, pour déclarer valide la clause litigieuse, l'arrêt constate qu'elle est limitée à une année et à un rayon de 30 kms autour du point de vente ; qu'il relève que le franchisé a reçu du franchiseur les manuels de normes et les plans d'implantation du magasin, a bénéficié d'une formation selon un plan de stage et s'est vu mettre à disposition un outil informatique et les prestations de services afférentes, de sorte qu'il a bénéficié de la transmission d'un savoir-faire ; qu'il relève encore que le franchisé a bénéficié d'une enseigne de renommée nationale, bien identifiée et attractive pour la clientèle ; qu'il en déduit que le franchiseur a un intérêt légitime à se donner le temps, après la cessation du contrat de franchise, sans être gêné par l'activité de son franchisé usant du savoir-faire acquis auprès d'elle, de réimplanter son enseigne, ou à son choix une autre enseigne du groupe, sur une surface équivalente, ici de 740 mètres carrés, dans la zone de chalandise, de sorte que la clause litigieuse se trouve proportionnée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le bénéfice de l'exemption prévue à l'article 5 b) du règlement 2790/1999 en faveur des clauses de non-concurrence post-contractuelles est réservé uniquement à celles, d'une durée d'un an, qui sont limitées aux locaux et aux terrains à partir desquels celui qui l'a souscrite a opéré pendant la durée du contrat et qui sont indispensables à la protection du savoir-faire qui lui a été transféré par son cocontractant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendant qu'en statuant par les mêmes motifs que ceux critiqués par la première branche, lesquels sont impropres à caractériser la limitation géographique de la clause litigieuse et sa proportionnalité par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l'objet du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré valable la clause de non-concurrence et condamné la société Perrosdis à payer à la société Distribution Casino France la somme de 119 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de cette clause, l'arrêt rendu le l'arrêt rendu le 7 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Rejette la demande de la société Distribution Casino France au titre de la clause de non-concurrence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Perrosdis la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Vu l'article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie, des finances et de l'emploi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour la société Perrosdis.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné une franchisée (la société PERROSDIS) à dédommager un franchiseur (la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE) des conséquences de la violation d'une clause de non-concurrence post-contractuelle, pourtant illicite ;
AUX MOTIFS QU'en droit communautaire et en droit interne, une clause de non-concurrence peut être déclarée valable, à condition d'être limitée dans le temps et dans l'espace, et d'être proportionnée par rapport à l'objet du contrat ; qu'en l'espèce, le contrat de franchise stipulait, en son article XIII B) que : « A la cessation du présent contrat, pour quelque cause que ce soit, le franchisé s'interdit : - d'exploiter ou de participer d'une quelconque manière, directement ou par personne interposée, à l'exploitation, la gestion, l'administration, le contrôle d'un fonds de commerce ou d'une entreprise ayant une activité identique ou similaire, à l'unité en franchise CASINO ; - de s'affilier, d'adhérer ou de participer de quelque manière que ce soit à une chaîne concurrente du franchiseur ou d'en créer une lui-même et, plus généralement, de se lier à tout groupement ou organisme ou entreprise concurrente du franchiseur. Cette interdiction est valable pendant un an dans un rayon de 30 km autour du supermarché… » ; que la clause était donc limitée dans le temps ou dans l'espace ; que, quant à sa proportionnalité par rapport à l'objet du contrat et à la sauvegarde des intérêts de la société CASINO, selon les éléments non contestés du dossier, la société PERROSDIS avait acquis le fonds de commerce de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, après l'avoir exploité deux ans en location-gérance, et avait continué à l'exploiter dans le cadre du contrat de franchise signé le 22 mars 1996 ; qu'elle avait alors reçu du franchiseur les manuels de normes et les plans d'implantation du magasin et avait bénéficié d'une formation selon un plan de stage ; que, de plus, en 1997, elle s'était vu mettre à disposition un outil informatique et les prestations de services afférentes ; qu'elle avait donc bénéficié de la transmission d'un savoir-faire dont elle ne soutenait pas qu'elle le possédait, ne serait-ce que partiellement, avant de signer le contrat de location-gérance et le contrat de franchise ; qu'ensuite, elle avait bénéficié d'une enseigne de renommée nationale, bien identifiée et attractive pour la clientèle ; que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait donc un intérêt légitime à se donner le temps après la cessation du contrat de franchise, sans être gênée par l'activité de son franchisé usant du savoir-faire acquis auprès d'elle, de réimplanter son enseigne, ou à son choix une autre enseigne du Groupe, sur une surface équivalente, ici de 740 m², dans la zone de chalandise ; que la clause litigieuse, limitée à une année et à un rayon de 30 km autour du point de vente, se trouvait proportionnée à cet intérêt ; qu'il était constant que la société PERROSDIS avait violé cette clause en poursuivant une activité identique après le 22 mars 2003, peu important l'enseigne et le mode d'approvisionnement ;
1°/ ALORS QUE ne bénéficie d'aucune exemption la clause de non-concurrence post-contractuelle qui vise exclusivement à protéger un territoire et à assurer la reconstruction locale du réseau du franchiseur ; qu'en l'espèce, la cour, qui a validé la clause de non-concurrence en cause, en constatant qu'elle était limitée dans le temps et dans l'espace et permettait à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de satisfaire son intérêt légitime à se donner du temps pour réimplanter son enseigne, quand ne bénéficie d'aucune exemption la clause de non-concurrence post-contractuelle interdisant tout rétablissement du franchisé dans une activité identique, qui vise à protéger un territoire (30 km en l'espèce) et à assurer la reconstruction locale du réseau du franchiseur, a violé l'article 5 b) du règlement communautaire du 22 décembre 1999 ;
2°/ ALORS QU'une clause de non-concurrence post-contractuelle n'est ni limitée, ni proportionnée lorsqu'elle interdit purement et simplement à un commerçant de se rétablir dans son activité ; qu'en l'espèce, la cour, qui a déclaré valable la clause de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article XIII B) du contrat de franchise conclu avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, quand elle aboutissait purement et simplement à interdire à la société PERROSDIS de se rétablir dans son fonds de commerce pendant un an, a violé l'article 1134 du code civil.
Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon du 7 février 2008
Cour de cassation
chambre commerciale
Date de l'audience publique Audience publique du mardi 9 juin 2009
Numéro de pourvoi N° de pourvoi: 08-16168
N° de pourvoi: 08-16168
Non publié au bulletinRejet
Mme Favre (président), président
Me Odent, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux sociétés Prodim et CSF du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Francap distribution ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2008), que M. X... a passé avec la société Promogros-Evreux, aux droits de laquelle sont les sociétés Prodim et CSF, un contrat de franchise et d'approvisionnement, valable sept ans à compter du 15 novembre 1985, renouvelable par périodes successives de trois années ; qu'ayant, le 27 août 1996, avant l'échéance de la période en cours, dénoncé ce contrat en notifiant son intention de le rompre à compter du 15 septembre 1996, et déposé l'enseigne "Shopi" faisant l'objet de l'accord de franchise pour lui substituer l'enseigne "Coccinelle", M. X... a été condamné, par une sentence arbitrale du 25 juin 1999, devenue définitive, à payer une indemnité de rupture ; que les sociétés Prodim et CSF ont parallèlement recherché la responsabilité délictuelle de la société Etablissements Ségurel (la société Ségurel) et de la société Francap distribution, en tant que tiers complices de la violation par M. X... de ses obligations contractuelles ;
Attendu que les sociétés Prodim et CSF font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de dommages-intérêts formée contre la société Ségurel, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il n'est pas nécessaire, pour que la responsabilité d'un tiers au contrat de franchise puisse engager sa responsabilité à l'égard du franchiseur, dont les intérêts ont été lésés par son intervention auprès du franchisé, que ce contrat subsiste ; qu'il suffit que ce tiers ait contracté avec le franchisé, en connaissance de ce que ce dernier avait été lié par un contrat qui contenait en particulier des obligations relatives à l'enseigne et à l'approvisionnement ; que pour rejeter la demande des exposantes, tendant à voir condamner la société Ségurel pour avoir conclu avec M. X... après que celui-ci a rompu unilatéralement son contrat en violation de ses obligations, la cour d'appel a jugé que cette demande se heurtait au fait que ce contrat était déjà rompu au moment de la conclusion des nouveaux engagements contractuels ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les sociétés Prodim et CSF ont fait grief à la société Ségurel, non pas d'avoir été complice de l'acte même de rupture unilatérale du contrat de franchise, pour la provoquer avec M. X..., mais d'avoir contracté fautivement avec ce dernier alors qu'elle ne pouvait méconnaître qu'il leur avait été lié par un contrat de franchise à durée déterminée, comportant des obligations d'enseigne et d'approvisionnement, qu'il a rompu abusivement avant terme ; qu'en retenant dès lors, pour rejeter leur demande, qu'elles n'apportaient pas la preuve, qui leur incombait, que la société Ségurel avait apporté son concours à la rupture, que M. X... a décidé seul, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que les sociétés Prodim et CSF avaient soutenu devant la cour d'appel que le tiers qui ne peut ignorer que son cocontractant a été lié par un contrat de franchise, a l'obligation, avant de conclure avec lui, de se renseigner sur la situation contractuelle de ce dernier avec ses anciens partenaires ; qu'en l'espèce, M. X... était notamment tenu d'une obligation d'approvisionnement exclusif qui s'imposait aux tiers, peu important qu'il ait décidé, de son propre chef, de mettre un terme au contrat à durée déterminée qui en constituait le fondement ; que la cour d'appel, qui a constaté que la société avait "connaissance des liens antérieurement entretenus entre M. X... et les sociétés Prodim et CSF", aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, et comme cette constatation lui en faisait l'obligation, si la société Ségurel n'aurait pas dû se renseigner sur la situation contractuelle réelle de M. X... et si elle n'avait pas commis une faute consistant à avoir prêté son concours à ce dernier alors qu'il avait rompu son contrat en violation de ses obligations ; qu'en se dispensant de cet examen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
4°/ que pour rejeter la demande des exposantes dirigées contre la société Ségurel, la cour d'appel a retenu non seulement qu'elles ne prouvaient pas un fait que – en réalité – elles n'alléguaient pas la complicité dans la rupture, mais elle a ajouté que M. X... avait toute liberté, une fois qu'il avait rompu unilatéralement ses obligations, de se tourner vers d'autres fournisseurs et que ces derniers avaient eux-mêmes toute liberté de contracter avec M. X... dès lors que les cocontractants de ce dernier n'ont pas poursuivi l'exécution forcée du contrat ; qu'en faisant ainsi de cette poursuite une condition sine qua non de la responsabilité éventuelle du tiers qui viendrait à contracter avec le franchisé en connaissance des obligations qui pourtant le liaient, par des motifs qui reviennent à faire du comportement non fautif de la victime de la rupture une condition de la faute du tiers complice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
5°/ que pour établir la responsabilité de la société Ségurel, les exposantes avaient en particulier souligné le fait qu'un prospectus de l'enseigne concurrente "Coccinelle" avait été publié en octobre 1996, mentionnant le magasin de M. X..., ce qui impliquait nécessairement que ce dernier et la société Ségurel avaient été préalablement en rapport avant même le litige, ce sur quoi cette dernière n'apportait pas d'explication ; que pour rejeter la demande dirigée par les exposantes contre la société Ségurel, la cour d'appel a retenu "qu'il n'était pas allégué, ni a fortiori prouvé, que la société Ségurel aurait été en pourparlers avec M. X... pendant toute la période de cristallisation du litige, du 19 mars au 27 août 1996" ; qu'en affirmant dès lors que l'existence de ces liens antérieurs n'était pas soutenue, ce qui l'a conduite à ne pas examiner la portée de ce prospectus, la cour a dénaturé à nouveau les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... avait envisagé de rompre de façon anticipée ses relations contractuelles dès une réunion tenue avec les sociétés Prodim et CSF le 19 mars 1996, intention renouvelée dans une lettre du 10 avril suivant et que les termes et le ton de la lettre de rupture du 27 août 1996 démontraient la volonté irréversible de rompre de M. X... qui estimait avoir été placé dans une impasse financière par les sociétés Prodim et CSF, l'arrêt retient qu'ayant seul rompu ses liens contractuels avec celles-ci et sans qu'il soit allégué ou prouvé que la société Ségurel aurait été en pourparlers avec M. X... pendant toute la période de formation du litige du 19 mars au 27 août 1996, il était loisible à M. X... de se tourner vers de nouveaux fournisseurs ; qu'il en déduit que ces derniers pouvaient sans faute contracter avec leur nouveau client dès lors qu'il n'était pas discutable qu'au moment de la conclusion des nouveaux liens contractuels, les anciens avaient été rompus ; qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans méconnaître les termes du litige, la cour d'appel a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués à la quatrième branche, justifié sa décision et a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Prodim et CSF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Etablissements Ségurel la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour les sociétés Prodim et CSF.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement rendu le 12 octobre 2004 par le tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il avait débouté les sociétés PRODIM et CSF de leur demande de condamnation de la société SEGUREL, sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
AUX MOTIFS QUE M. X... a notifié la résiliation de la franchise Shopi, à effet du 15 septembre 1996 ; qu'en le poursuivant devant la juridiction arbitrale, non en exécution forcée du contrat jusqu'à son terme conventionnel, mais en indemnisation des conséquences de sa rupture anticipée, les sociétés PRODIM et CSF ont implicitement admis que cette date était celle de la fin des relations contractuelles ; que lesdites sociétés admettent que l'enseigne "Coccinelle" a été apposée au plus tôt le lendemain de cette résiliation, de sorte qu'au jour de la mise en oeuvre des relations contractuelles liées à la nouvelle enseigne, M. X... s'était dégagé de l'ancien contrat ; qu'il ressort des termes de la lettre du 27 août 1996 que la rupture anticipée des relations contractuelles a été envisagée par M. X... dès le 19 mars 1996, avant d'être rétractée ; que M. X... se plaignait d'une mauvaise situation financière qu'il imputait à la politique commerciale de la société PRODIM ; que les termes et le ton de la lettre de dénonciation démontrent sa volonté irréversible de rompre, en raison de l'impasse financière en laquelle il accusait le franchiseur et l'approvisionneur de l'avoir mis ; qu'ainsi, les sociétés PRODIM et CSF ne rapportent pas la preuve d'une aide dont il aurait bénéficié pour s'affranchir de ses liens contractuels, n'étant pas établi au surplus que la société SEGUREL aurait été en pourparlers avec lui pendant la période de cristallisation du litige 19 mars-27 août 1996 ; qu'ayant rompu seul, M. X... pouvait se tourner vers d'autres fournisseurs, lesquels, même en connaissance de ses liens antérieurs, pouvaient contracter sans faute avec lui dès lors qu'ils étaient rompus sans leur aide au moment de la souscription des nouveaux et que les sociétés PRODIM et CSF n'ont pas poursuivi l'exécution forcée des anciens ; qu'il est dès lors sans intérêt d'analyser la validité et l'opposabilité de la clause d'approvisionnement insérée dans le contrat originel ;
1° ALORS QU'il n'est pas nécessaire, pour que la responsabilité d'un tiers au contrat de franchise puisse engager sa responsabilité à l'égard du franchiseur, dont les intérêts ont été lésés par son intervention auprès du franchisé, que ce contrat subsiste ; qu'il suffit que ce tiers ait contracté avec le franchisé, en connaissance de ce que ce dernier avait été lié par un contrat qui contenait en particulier des obligations relatives à l'enseigne et à l'approvisionnement ; que pour rejeter la demande des exposantes, tendant à voir condamner la société SEGUREL pour avoir conclu avec M. X... après que celui-ci a rompu unilatéralement son contrat en violation de ses obligations, la cour a jugé que cette demande se heurtait au fait que ce contrat était déjà rompu au moment de la conclusion des nouveaux engagements contractuels ; qu'en se déterminant ainsi, la cour a violé l'article 1382 du code civil ;
2° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, les exposantes ont fait grief à la société SEGUREL, non pas d'avoir été complice de l'acte même de rupture unilatérale du contrat de franchise, pour la provoquer avec M. X..., mais d'avoir contracté fautivement avec ce dernier alors qu'elle ne pouvait méconnaître qu'il leur avait été lié par un contrat de franchise à durée déterminée, comportant des obligations d'enseigne et d'approvisionnement, qu'il a rompu abusivement avant terme ; qu'en retenant dès lors, pour rejeter leur demande, qu'elles n'apportaient pas la preuve, qui leur incombait, que la société SEGUREL avait apporté son concours à la rupture, que M. X... a décidé seul, la cour a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE les exposantes avaient soutenu devant la cour que le tiers qui ne peut ignorer que son cocontractant a été lié par un contrat de franchise a l'obligation, avant de conclure avec lui, de se renseigner sur la situation contractuelle de ce dernier avec ses anciens partenaires ; qu'en l'espèce, M. X... était notamment tenu d'une obligation d'approvisionnement exclusif qui s'imposait aux tiers, peu important qu'il ait décidé, de son propre chef, de mettre un terme au contrat à durée déterminée qui en constituait le fondement ; que la cour, qui a constaté que la société avait « connaissance des liens antérieurement entretenus entre M. X... et les sociétés PRODIM et CSF », aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, et comme cette constatation lui en faisait l'obligation, si la société SEGUREL n'aurait pas dû se renseigner sur la situation contractuelle réelle de M. X... et si elle n'avait pas commis une faute consistant à avoir prêté son concours à ce dernier alors qu'il avait rompu son contrat en violation de ses obligations ; qu'en se dispensant de cet examen, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
4° ALORS QUE pour rejeter la demande des exposantes dirigées contre la société SEGUREL, la cour a retenu non seulement qu'elles ne prouvaient pas un fait que – en réalité – elles n'alléguaient pas (la complicité dans la rupture), mais elle a ajouté que M. X... avait toute liberté, une fois qu'il avait rompu unilatéralement ses obligations, de se tourner vers d'autres fournisseurs et que ces derniers avaient eux-mêmes toute liberté de contracter avec M. X... dès lors que les cocontractants de ce dernier n'ont pas poursuivi l'exécution forcée du contrat ; qu'en faisant ainsi de cette poursuite une condition sine qua non de la responsabilité éventuelle du tiers qui viendrait à contracter avec le franchisé en connaissance des obligations qui pourtant le liaient, par des motifs qui reviennent à faire du comportement non fautif de la victime de la rupture une condition de la faute du tiers complice, la cour a violé l'article 1382 du code civil ;
5° ALORS QUE pour établir la responsabilité de la société SEGUREL, les exposantes avaient en particulier souligné le fait qu'un prospectus de l'enseigne concurrente "Coccinelle" avait été publié en octobre 1996, mentionnant le magasin de M. X... (concl. pp. 7, 14-15), ce qui impliquait nécessairement que ce dernier et la société SEGUREL avaient été préalablement en rapport avant même le litige, ce sur quoi cette dernière n'apportait pas d'explication ; que pour rejeter la demande dirigée par les exposantes contre la société SEGUREL, la cour a retenu « qu'il n'était pas allégué, ni a fortiori prouvé, que ladite société aurait été en pourparlers avec Monsieur X... pendant toute la période de cristallisation du litige, du 19 mars au 27 août 1996 » (arrêt, p. 6, § 4) ; qu'en affirmant dès lors que l'existence de ces liens antérieurs n'était pas soutenue, ce qui l'a conduite à ne pas examiner la portée de ce prospectus, la cour a dénaturé à nouveau les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris du 27 mars 2008
Cour de cassation
chambre commerciale
Date de l'audience publique Audience publique du mardi 9 juin 2009
Numéro de pourvoi N° de pourvoi: 08-17296
N° de pourvoi: 08-17296
Non publié au bulletinRejet
Mme Favre (président), président
Me Blondel, Me Odent, avocat(s)
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 mars 2008), statuant sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 23 janvier 2007, pourvoi n° 05-19.523), que par acte du 19 octobre 1995, la société Prodim a conclu avec M. et Mme X... un contrat de franchise concernant l'exploitation d'un fonds de commerce d'alimentation sous l'enseigne "Shopi", ainsi qu'un contrat d'approvisionnement pour une durée de cinq ans ; qu'en cours de contrat, la société X... est venue aux droits de M. et Mme X... et la société CSF a succédé à la société Prodim pour le contrat d'approvisionnement ; que le contrat de franchise prévoyait qu'en cas de vente du fonds de commerce, la société Prodim bénéficierait d'un droit de préférence ; que, par une lettre du 14 février 2000, M. et Mme X... ont informé la société Prodim qu'ils ne souhaitaient pas renouveler le contrat de franchise ; que, par une lettre du 11 août 2000, la société Prodim a indiqué à M. et Mme X... avoir "bien pris note de votre démission à la date anniversaire de notre contrat de franchise Shopi, soit le 18 octobre 2000" et elle ajoutait qu'il avait été convenu d'un commun accord "le report de votre démission au 28 février 2001" ; que, le 16 octobre 2000, M. et Mme X... ont répondu à la société Prodim qu'ils n'acceptaient pas de renouveler le contrat de franchise, ainsi que cela leur avait été proposé, et indiquaient qu'ils souhaitaient seulement bénéficier d'un approvisionnement temporaire ; que le 23 octobre 2000, la société Prodim a formé une proposition d'acquisition du fonds pour le prix de 2 600 000 francs ; que le 30 octobre 2000, la société Distribution Casino France (la société Casino) a établi une procuration à deux de ses préposés pour les habiliter à acquérir le fonds pour un prix de 2 100 000 francs ; que par acte d'huissier du 3 novembre 2000, la société Prodim a notifié à la société Casino les contrats de franchise et d'approvisionnement la liant, avec la société CSF, à la société X... ; que celle-ci ayant vendu, le 18 avril 2001, son fonds de commerce à la société Casino ; la société Prodim, soutenant que la société X... avait violé ses engagements contractuels, a engagé une procédure arbitrale à son encontre pour obtenir réparation de ses préjudices ; que par une sentence du 14 juin 2002, devenue définitive, le tribunal arbitral, estimant que les contrats de franchise et d'approvisionnement avaient été prorogés jusqu'au 28 février 2001, a condamné la société X... à dédommager la société Prodim des préjudices subis, d'une part, de leur rupture avant terme, d'autre part, de la violation du pacte de préférence consenti à la société Prodim ; qu'à la suite de cette sentence, les sociétés Prodim et CSF reprochant à la société Casino des actes de concurrence déloyale à leur égard en participant à la violation des contrats de franchise et d'approvisionnement et en désorganisant le réseau de franchise, l'ont poursuivie en dommages-intérêts ;
Attendu que les sociétés Prodim et CSF font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le concurrent tiers complice de la violation d'un pacte de préférence souscrit par un franchisé au profit d'un franchiseur doit réparation à celui-ci ; qu'en l'espèce la cour d'appel qui, après avoir pourtant constaté que la société Casino avait acquis le fonds de commerce de la société X..., en toute connaissance du litige qui opposait celle-ci aux sociétés Prodim et CSF, relativement aux conditions abusives dans lesquelles les contrats en cours – dont la teneur précise avait été signifiée à la société Casino - avaient été rompus, a ensuite déchargé la concurrente de toute responsabilité au titre d'une tierce complicité dans la violation du pacte de préférence souscrit au profit de la société Prodim, motif pris de ce que la société Casino avait pu croire les contrats régulièrement rompus, a omis de tirer les conséquences légales qui s'induisaient de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'engage sa responsabilité à l'égard du franchiseur le concurrent tiers complice de la violation, par un franchisé, des obligations contractuelles que celui-ci avait souscrites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, après avoir pourtant relevé que la société Casino avait pris la décision, dès les mois d'octobre et novembre 2000, d'acquérir le fonds de commerce de la société X... en ayant une parfaite connaissance du contenu du pacte de préférence souscrit par celle-ci, de même que des contrats de franchise et d'approvisionnement en cours qui lui avaient été notifiés et du litige arbitral qui avait été engagé entre les parties, litige mentionné dans l'acte de cession du 18 avril 2001, sans en déduire que la société Casino avait, en connaissance de cause, participé à la violation, par la société X..., du pacte de préférence qu'elle avait souscrit et sur le respect duquel la société Casino aurait au moins dû se renseigner, a omis de tirer les conséquences légales qui s'induisaient de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que les sociétés Prodim et CSF ne démontraient pas que la société Casino aurait eu connaissance de l'intention de la société Prodim de faire usage de son droit de préférence, la cour d'appel, abstraction faite des motifs erronés critiqués à la première branche, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Prodim et CSF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Distribution Casino France la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour les sociétés Prodim et CSF.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un franchiseur (la société PRODIM) et un approvisionneur prioritaire (la société CSF), de leur action tendant à la réparation, par une concurrente (la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE), de la tierce complicité dont cette dernière s'était rendue coupable, dans la violation du pacte de préférence qui avait été souscrit par un franchisé au profit du franchiseur,
AUX MOTIFS QUE constitue une faute délictuelle le fait de concourir sciemment à la violation d'une obligation contractuelle à l'égard d'un tiers, ou d'en tirer sciemment profit ; que le contrat de franchise prévoyait au profit du franchiseur un droit de préférence en cas de vente du fonds de commerce, aux termes duquel le franchisé était tenu d'informer par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, le franchiseur de tout projet de vente, en donnant tous renseignements sur le successeur pressenti, le franchiseur disposant d'un délai de trois mois pour faire jouer ou non son pacte de préférence, à offre égale ; que Monsieur et Madame X... avaient informé la société PRODIM, le 14 février 2000, de leur intention de vendre leur fonds ; que les échanges subséquents ne démontraient ni l'existence d'une notification par la franchisée au franchiseur du projet de cession au profit de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, selon les modalités fixées par le contrat, ni celle d'une proposition de la société PRODIM antérieure à celle qu'elle avait formée le 23 octobre 2000, pour un prix de 2.600.000 F ; qu'au regard de l'absence de notification officielle du projet de cession à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, l'offre faite par la société PRODIM à cette date ne pouvait être considérée comme tardive ; que, le 30 octobre 2000, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait établi, au profit de deux de ses cadres, une procuration à l'effet de les habiliter à acquérir le fonds de commerce de la société X..., moyennant le prix de 2.100.000 F (l'activité de boucherie étant reprise de façon distincte pour 500.000 F) ; que, par acte d'huissier du 3 novembre 2000, la société PRODIM avait signifié à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE les contrats de franchise et d'approvisionnement la liant, avec la société CSF, à la société X... ; que la cession du fonds au profit de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait été faite par acte du 18 avril 2001, ce dernier reprenant les termes exacts du courrier initial de rupture de Monsieur et Madame X... du 14 février 2000, et précisant l'existence du litige avec la société PRODIM sur la dénonciation des contrats ; qu'il était ainsi prouvé que, dès fin octobre début novembre 2000, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait pris la décision d'acquérir le fonds et, d'autre part, connaissait l'existence et le contenu du pacte de préférence ; qu'il était également démontré que son cocontractant considérait le contrat de franchise comme rompu et lui en avait justifié ; qu'en revanche, il n'était pas établi qu'elle connaissait la teneur exacte du litige entre la société cédante et la société PRODIM, puisque, d'une part, rien ne prouvait qu'elle avait eu connaissance notamment du contenu intégral du courrier du 11 août 2000 et des échanges qui l'avaient suivi, et que, d'autre part, l'acte de cession ne mentionnait qu'en termes généraux le litige relatif au caractère abusif de la rupture des contrats, sans autre précision, notamment relative à une demande au titre du pacte de préférence ; qu'il n'était pas davantage prouvé qu'elle connaissait l'offre de la société PRODIM à ce titre, cette dernière société s'étant bien gardée d'en faire état dans sa sommation du 3 novembre 2000 ; que le contexte de concurrence entre les deux entreprises ne permettait par ailleurs pas de suppléer un élément de preuve objectif sur ces points ; que, pouvant, au contraire, légitimement considérer que le contrat de franchise était rompu, au regard des éléments portés à sa connaissance, étant rappelé que la sentence arbitrale avait été rendue bien plus tard, alors surtout qu'aucune précision ne figurait au contrat sur la survivance du droit de préférence postérieurement à l'expiration de ce dernier, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait légitimement pu, sans commettre de faute, acquérir le fonds ; qu'en outre, faute de démonstration que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait été en mesure d'apprécier l'incidence de l'instance arbitrale en cours sur la liberté contractuelle de la société cédante, l'acquisition du fonds sans attendre l'issue de la procédure arbitrale n'excédait pas une prise de risque normale dans la vie des affaires, et ne pouvait davantage être considérée comme une imprudence ; que n'était ainsi pas démontrée par les sociétés PRODIM et CSF, auxquelles cette preuve incombait, l'existence d'aucune faute imputable à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE dans le cadre de l'acquisition du fonds de la société X... ;
ALORS QUE, d'une part, le concurrent tiers complice de la violation d'un pacte de préférence souscrit par un franchisé au profit d'un franchiseur doit réparation à celui-ci ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir pourtant constaté que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait acquis le fonds de commerce de la société X..., en toute connaissance du litige qui opposait celle-ci aux sociétés PRODIM et CSF, relativement aux conditions abusives dans lesquelles les contrats en cours – dont la teneur précise avait été signifiée à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE - avaient été rompus, a ensuite déchargé la concurrente de toute responsabilité au titre d'une tierce complicité dans la violation du pacte de préférence souscrit au profit de la société PRODIM, motif pris de ce que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait pu croire les contrats régulièrement rompus, a omis de tirer les conséquences légales qui s'induisaient de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, engage sa responsabilité à l'égard du franchiseur le concurrent tiers complice de la violation, par un franchisé, des obligations contractuelles que celui-ci avait souscrites ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir pourtant relevé que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait pris la décision, dès les mois d'octobre et novembre 2000, d'acquérir le fonds de commerce de la société X... en ayant une parfaite connaissance du contenu du pacte de préférence souscrit par celle-ci, de même que des contrats de franchise et d'approvisionnement en cours qui lui avaient été notifiés et du litige arbitral qui avait été engagé entre les parties (litige mentionné dans l'acte de cession du 18 avril 2001), sans en déduire que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE avait, en connaissance de cause, participé à la violation, par la société X..., du pacte de préférence qu'elle avait souscrit et sur le respect duquel la concurrente aurait au moins dû se renseigner, a omis de tirer les conséquences légales qui s'induisaient de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du code civil.
Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes du 18 mars 2008
Cour de cassation
chambre commerciale
Date de l'audience publique Audience publique du mardi 26 mai 2009
Numéro de pourvoi N° de pourvoi: 08-13839
N° de pourvoi: 08-13839
Non publié au bulletinCassation partielle
Mme Favre (président), président
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat(s)
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Hadimmo (la société) qui exerce la profession d'agent immobilier, a conclu avec Mme X... un "contrat de mandat à statut d'agent commercial"; que Mme X... a assigné la société en constatation de la rupture du contrat aux torts de cette dernière et en paiement de commissions, de dommages-intérêts et d'une indemnité compensatrice ; que la société a formé une demande reconventionnelle en nullité du contrat ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l' article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme X... en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat , l'arrêt retient que le contrat, qui ne peut relever des dispositions légales relatives aux agents commerciaux en application de l'alinéa 2 de l'article L.134 -1 du code de commerce, doit être requalifié en mandat dès lors qu'hormis l'existence d'un lien entre la rémunération du mandataire et les profits du mandant, il ne comporte aucune des autres caractéristiques d'un mandat d'intérêt commun, puisque chaque partie conserve sa propre clientèle, qu'il n'existe pas d'exclusivité réciproque et que la résiliation peut intervenir à tout moment, à leur initiative, par l'envoi d'une lettre recommandée et non exclusivement par leur consentement mutuel ou pour une cause légitime reconnue en justice ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le contrat prévoyait la représentation de la société auprès de la clientèle par Mme X... pour la recherche de vendeurs, d'acquéreurs ou de locataires de biens immobiliers et commerciaux, l'obtention de mandats, d'options ou de bons de commissions, la vente de produits à elle confiés au nom et pour le compte de la société, conformément aux prix et conditions générales de vente indiqués par cette dernière, moyennant une participation en pourcentage sur le montant de la commission perçue par la société, ce dont il résultait que la réalisation de l'objet du mandat représentait tant pour la mandante que pour la mandataire l'intérêt d'un essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle de la société, la cour d'appel a méconnu la loi des parties ;
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 2004 du code civil ;
Attendu qu'en statuant comme elle a fait, alors que la qualification de mandat d'intérêt commun n'est pas subordonnée à la stipulation d'une exclusivité entre les parties ni à l'absence de prévision d'une clause de résiliation du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme X... en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat et en paiement par la société Hadimmo d'une somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la société Hadimmo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hadimmo à payer à Y... Michel la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X...,
Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Nelly X... de sa demande tendant à voir condamner la SARL HADIMMO à l'indemniser du préjudice résultant de la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de celle-ci, outre sa condamnation au paiement de la somme de 6.000 au titre des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE le contrat qualifié de «contrat de mandat à statut d'agent commercial» doit être requalifié en contrat de mandat de droit commun ; que si cette convention présente certaines caractéristiques du mandat d'intérêt commun en ce qu'il existe un lien entre la rémunération du mandataire et les profits du mandant (Madame X... doit recevoir une commission de 30 à 50 % du montant de la commission perçue par la Société HADIMMO), on n'y retrouve aucune des autres caractéristiques nécessaires : ainsi, chaque partie conserve sa propre clientèle sans qu'il y ait développement d'une clientèle commune ; il n'y a pas d'exclusivité réciproque (Madame X... conserve la faculté d'effectuer des opérations pour son compte personnel, de travailler pour tout autre établissement…), qu'enfin, l'article 5 prévoit que la résiliation peut intervenir à tout instant à l'initiative de l'une ou l'autre partie par l'envoi d'une simple lettre recommandée, alors qu'un mandat d'intérêt commun ne peut être révoqué que du consentement mutuel des parties ou pour une cause légitime reconnue en justice ; qu'il s'ensuit que la qualification de mandat d'intérêt commun est directement contraire à la volonté exprimée par les parties dans la convention du 9 juillet 1999 et qu'elle ne peut être retenue par application de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'exclusion de l'application des articles L.134-1 et suivants du Code de commerce issus du décret du 23 décembre 1958 n'écartait pas la possibilité de se prévaloir des effets différents attachés par le droit commun au mandat conclu dans l'intérêt du mandant et du mandataire, qualification qui n'était pas davantage exclue par les clauses du contrat prévoyant la représentation de la SARL HADIMMO auprès de la clientèle par Madame X... pour la recherche de vendeurs, d'acquéreurs ou de locataires de biens immobiliers et commerciaux, l'obtention de mandats, options ou bons de commissions, la vente de produits à elle confiés au nom et pour le compte de la SARL, conformément aux prix et conditions générales de vente indiqués par celle-ci, moyennant une participation en pourcentage sur le montant de la commission perçue par la SARL ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que les parties avaient elles-mêmes qualifié le contrat litigieux de «contrat de mandat à statut d'agent commercial» en se référant aux dispositions du décret du 23 décembre 1958 modifié, lequel s'analyse comme un mandat d'intérêt commun selon l'article L. 134-4 du Code de commerce et que la réalisation de l'objet du mandat représentait aussi bien pour le mandant que pour le mandataire l'intérêt d'un essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle de la SARL, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient au regard de l'article 1134 du Code civil qu'elle a violé ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'absence d'exclusivité réciproque n'est pas un élément constitutif du mandat d'intérêt commun et que la clause de résiliation du contrat ayant pour seul but de fixer les conditions de forme du mandat litigieux, la Cour d'appel a, en statuant ainsi, violé l'article 2004 du Code civil.
Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 3 décembre 2007