La requalification du contrat de franchise en contrat de travail
le 16 mars 2005
La requalification du contrat de franchise en contrat de travail repose sur le fondement de l'article L781-1 du Code du travail. Il existre des situations dans lesquelles cette requalification sera automatiquement prononcée par le juge. Mais ce n'est pas le cas systématiquement.
Une jurisprudence constante
L'insuffisance de contrôle du franchiseur à l'égard du franchisé est susceptible d'engager sa responsabilité ; toutefois c'est le plus souvent par un excès de contrôle que le franchiseur voit sa responsabilité engagée.
Par ailleurs, un contrôle trop important de la part du franchiseur est susceptible d'entraîner la requalification du contrat de franchise.
La jurisprudence est constante en la matière ; elle prend soin de requalifier le contrat de franchise en contrat de travail dès lors que les faits révèlent un lien de subordination du franchisé envers le franchiseur.
En effet, le franchisé est un commerçant et doit donc agir en toute indépendance selon l'article 1 du Code de commerce. Si le contrat de franchise suppose diverses contraintes pour le franchisé, qui aliènent en partie sa liberté de gestion mais qui ne sont pas sans contreparties, elles ne doivent pas aboutir à supprimer l'autonomie de gestion du franchisé qui perdrait sa qualité de commerçant si tel était le cas.
La difficulté est de situer la frontière entre la simple dépendance économique, inhérente à tout réseau de distribution, et la relation contractuelle qui révèle un véritable lien de subordination juridique, critère déterminant du contrat de travail.
L'article L 781-1,2° du Code du travail dispose que les règles du Code du travail s'appliquent aux personnes "dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature (...) qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir les objets à traiter (...) pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise".
Selon la Cour de cassation, l'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ( Cass. Soc. 17 avr.1991, Dr. Soc. 91, p 516). Le juge doit examiner chaque situation de fait et exercer, le cas échéant, son pouvoir de requalification.
Aussi, la Cour a jugé que le recours par les parties à la dénomination de "contrat de franchise" ne peut interdire aux juges de requalifier la relation contractuelle lorsque les conditions de l'article L 781-1 sont remplies (Cass. Com 3 mai 1995, SA Bata c/ Epoux Castelin et autre).
Quatre conditions impératives
La jurisprudence impose que les quatre conditions figurant à l'article L 781-1 du Code du travail soient réunies cumulativement (Cass. Soc. 28 nov. 1984, Bull civ.V, n°461).
Ainsi, le texte exige :
- qu'il existe un approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif par le fournisseur ;
- que la vente soit effectuée dans un local fourni ou agréé par le fournisseur. Cette condition est remplie lorsque le franchiseur, ne fournissant pas le local, se réserve toutefois un pouvoir d'agrément de l'emplacement choisi par le distributeur ;
- que les conditions de vente soient imposées au franchisé ;
- que les prix soient imposés également.
Si une de ces conditions n'est pas remplie, la requalification du contrat de franchise en contrat de travail ne peut être prononcée.
Dans son arrêt Bata du 3 mai 1995, la Cour de cassation prend soin de noter que les juges du fond ont bien relevé que les quatre conditions de l'article L781-1 étaient réunies en l'espèce: les propriétaires du fonds n'avaient aucune liberté pour l'exploitation de leur commerce, le prix des marchandises était déterminé par le fournisseur ; et, par ailleurs, le contrat prévoyait que le fournisseur autorisait les exploitants à vendre dans un local agréé par lui, les marchandises qu'il leur fournissait exclusivement et dont il fixait unilatéralement le prix en en demeurant propriétaire jusqu'à la vente .
Lorsque les quatre conditions sont réunies, le juge se trouve dans l'impossibilité de refuser l'application de l'article L 781-1. La requalification s'impose et, selon la Cour de cassation, la Cour d'appel n'avait pas à rechercher, « le contrat n'étant pas un contrat de franchise, si les obligations incombant à la société Bata dépassaient celles d'un franchiseur en vue d'assurer l'unité de son réseau ».
Le "franchisé" assimilé à un salarié sur le fondement de l'article L 781-1 du Code du travail, pourra prétendre à l'application des règles protectrices du droit du travail.
Il pourra ainsi obtenir le paiement d'un salaire au moins égal au SMIC, le franchiseur devra s'affilier au régime général de la Sécurité sociale et la cessation des rapports contractuels à l'initiative du franchiseur s'analysera en un licenciement.
Enfin, les litiges nés entre le « franchiseur » et le « franchisé » seront soumis à la compétence du Conseil de prud'hommes et non à celle tribunal de commerce.
Lire aussi :
- La commission-affiliation rechute !
- La franchisée était une salariée (CA Lyon, 13 mars 2009)
- lu dans "La Tribune" : Vent de fronde chez Yves Rocher
- Un contrat de franchise requalifié en contrat de travail dans l'hôtellerie (cass, 7 mai 08)
- Application du droit du travail aux contrats de franchise
- Pour une contrepartie financière à la clause de non-concurrence