Violation d'un contrat de franchsie et responsabilité des tiers

le 11 août 2009 / Maître Monique Ben Soussen

Un point de vue sur le libéralisme de la Cour de cassation, à propos de deux arrêts, Cass. Com., 9 juin 2009, n° 08-16168 et n° 08-17296

La crise favorise la mobilité des franchisés qui espèrent parfois trouver dans une autre enseigne ou une autre activité un nouvel élan. Leur contrat opposera fréquemment des obstacles à cette velléité de changement : clause de durée, clause d'agrément ou clause de non-concurrence. Que la rupture du contrat soit irrégulière, le franchisé engagera alors sa responsabilité contractuelle à l'égard de l'ancien franchiseur. La responsabilité du franchisé n'est toutefois pas la seule à devoir être envisagée. La jurisprudence considère en effet que le complice d'une violation contractuelle engage sa responsabilité délictuelle à l'égard de la partie lésée.

Les deux décisions commentées témoignent pourtant d'une grande sollicitude sur ce sujet. Dans la première, un franchisé exploitait un magasin sous l'enseigne SHOPI. Arguant d'une situation financière intenable, il rompt toutefois son contrat  de franchise avant l'échéance afin de rejoindre le réseau COCCINELLE. Fort d'une sentence arbitrale ayant condamné ce franchisé à verser une indemnité de rupture, le franchiseur assigne alors les nouveaux partenaires du franchisé en tant que tiers complice de la violation par ce dernier de ses obligations contractuelles. Cette demande est toutefois définitivement rejetée aux motifs « qu'ayant relevé que [le franchisé] avait envisagé de rompre de façon anticipée ses relations contractuelles dès une réunion tenue avec les sociétés Prodim et CSF le 19 mars 1996..., l'arrêt retient qu'ayant seul rompu ses liens contractuels avec celles-ci..., il était loisible [au franchisé] de se tourner vers d'autres fournisseurs ; qu'il en déduit que ces derniers pouvaient sans faute contracter avec leur nouveau client dès lors qu'il n'était pas discutable qu'au moment de la conclusion des nouveaux liens contractuels, les anciens avaient été rompus ». En clair, il n'était pas établi que les nouveaux partenaires du franchisé l'aient incité à rompre son contrat de franchise. La solution est très libérale. Si les nouveaux contractants du franchisé ne l'avaient pas incité à rompre son contrat, celui-ci n'en devait en effet pas moins stipuler une clause d'enseigne à effet post-contractuel dont la violation était bel et bien consommée.

Le second arrêt s'inscrit dans le même esprit. Un autre franchisé SHOPI avait cédé son fonds de commerce en violation d'un pacte de préférence insérée dans le contrat de franchise. Muni là encore d'une sentence arbitrale ayant condamné le franchisé, l'ex-franchiseur assigne le cessionnaire du fonds, la société CASINO, en responsabilité pour complicité de violation du pacte. Sa demande est cependant rejetée aux motifs « qu'ayant souverainement retenu que [l'ancien franchiseur] ne démontraient pas que la société CASINO aurait eu connaissance de l'intention [de l'ancien franchiseur] de faire usage de son droit de préférence, la Cour d'appel ...a pu statuer comme elle l'a fait ». La solution est certes conforme à une jurisprudence bien assise (Ch. mixte, 26 mai 2006). Elle n'en révèle pas moins aussi un certain libéralisme dans la mesure où la preuve de l'intention du bénéficiaire d'un pacte de préférence paraît extrêmement difficile à rapporter.

Ces décisions manifestent en tout cas le souci de la haute juridiction de favoriser le maintien d'une saine concurrence entre réseaux de franchise. 

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