Faut-il revoir la loi Doubin ?
le 28 septembre 2005
La loi Doubin du 31 décembre 1989 régit les rapports entre franchiseurs et candidats franchisés. Mais elle ne remplit pas vraiment sa mission essentielle : protéger le candidat néophyte.
Le but du législateur de 1989 était de moraliser les relations Franchiseur / Franchisé. Les franchisés sont souvent d’anciens salariés qui ne sont pas préparés au monde parfois brutal du commerce. Le législateur voulait donc protéger ces nouveaux commerçants en mettant en place un cadre légal. Le texte de 1989 impose aux franchiseurs ou concédants de fournir certaines informations à leur futur partenaire, tout en prévoyant le respect d’un délai minimal de vingt jours entre la remise de ces éléments et la signature du contrat de franchise. En théorie le non respect de ces dispositions légales entraîne la nullité du contrat signé.
Une volonté de protéger les nouveaux commerçants
Il convient de s’interroger, quinze ans après la promulgation de la loi sur l’efficacité de celle-ci. Le législateur a voulu édicter un régime de protection quasi automatique. C’est la raison pour laquelle le décret d’application du 4 avril 1991 spécifie que l’ensemble des dispositions édictées est d’ordre public, ce qui signifie que les parties ne peuvent, même d’un commun accord, y déroger. En principe le non respect d’une seule des dispositions de la loi doit entraîner l’annulation du contrat de franchise. La véritable question concerne la pertinence des éléments devant être fournis par le franchiseur pour éclairer le futur franchisé. On peut regretter que les informations listées par le législateur de 1989 ne soient pas nécessairement celles qui permettent au futur franchisé de s’engager en toute connaissance de cause. L’examen des pièces ou informations devant être fournies par le franchiseur n’est à l’évidence pas suffisamment éclairant pour un futur commerçant, de surcroît souvent dénué de l’expérience nécessaire à une lecture « subtile ».
Les bonnes informations sont-elles dans le DIP ?
Certains des éléments que le franchiseur doit transmettre pour permettre à son interlocuteur d’apprécier sa situation et l’évolution du réseau restent formels et ne sont guère utiles si ce n’est dans des situations extrêmes, somme toute, assez rares (franchiseur en grandes difficultés financières ou commercialisant un concept inexistant…). Il est nécessaire de rappeler les éléments dont la fourniture est imposée par la loi, puis nous évoquerons les limites du système.
L’indication de la forme sociale et le numéro d’immatriculation au registre du commerce doivent être portés sur tout document, en particulier le papier à en tête ou sur les factures. Exiger leur communication ne présente donc pas un grand intérêt sauf, peut-être, dans le cas de sociétés étrangères dont le siège ne serait pas situé en France ce qui rendrait plus complexe une éventuelle procédure.
Les principales domiciliations bancaires de l’entreprise : cette information est difficilement utilisable dans la mesure où les banques, s’abritant derrière le secret professionnel, refusent de communiquer le moindre renseignement sur leurs clients.
L’évolution de l’entreprise est une information importante, mais qui autorise des présentations variées voire subjectives. Ainsi on peut constater que certaines sociétés récemment créées insistent sur le parcours personnel de leur dirigeant ou sur la taille de la maison mère, même et surtout si celle-ci n’a qu’un lien lointain avec le concept commercialisé ! Un rédacteur habile peut présenter un concept nouveau et non testé comme étant la résultante du savoir faire et de l’expérience de la société mère, même si celle-ci n’exerce pas la même activité et même si en cas de déconfiture, le seul interlocuteur restera la société créée pour exploiter une franchise naissante. Le franchiseur doit également communiquer ses comptes des deux dernières années : là encore l’information doit être traitée avec recul. Un franchiseur prospère peut animer un réseau de franchisés en difficulté et des franchisés peuvent être parfaitement satisfaits avec un petit franchiseur. Le fait que le franchiseur soit coté en bourse n’a pas de signification au niveau de la rentabilité des établissements franchisés. De surcroît toutes les sociétés doivent déposer leurs comptes au tribunal de commerce et il est donc aisé de se les procurer. En conclusion on ne peut que déplorer que la loi, en ce qui concerne les informations visées çi dessus, n’ait pas eu un apport significatif.
Les solutions passés et à venir
Il serait souhaitable que le franchisé ait accès à d’autres informations, concernant en particulier l’évolution souhaitée par le franchiseur pour sa société ou pour son réseau. Ainsi certains franchiseurs ont par le passé décidé de cesser le développement de leur réseau et de revenir à un mode traditionnel de distribution. Il est souhaitable que le futur franchisé soit informé de ce désengagement virtuel (ou encore d’un projet de cession), même si celui-ci n’est pas encore entré en application. La loi pourrait être modifiée de façon à assurer l’information du réseau sur les évolutions envisagées à court ou moyen terme. L’aspect positif essentiel de la loi Doubin, dans sa rédaction actuelle, réside dans l’exigence de la communication de la liste des entreprises liées au franchiseur par le même contrat que celui dont la signature est proposée. Grâce à cette liste, le futur franchisé a la possibilité de commander les bilans de franchisés en activité, à condition toutefois de connaître le nom des sociétés exploitantes. Or nombre de documents d’information précontractuelle se contentent de lister les magasins en activité sans fournir les noms exacts des exploitants, ce qui rend sans objet cette communication. En ce qui concerne l’activité elle-même, et ses chances de développement, le franchiseur doit fournir une présentation du marché national et local. La présentation du marché national se traduit souvent par la remise d’études générales faites par des organismes professionnels ou des syndicats. Les informations fournies, sans être inexactes, sont le plus souvent peu éclairantes car très générales.
Le flou artistique de l’état du marché
Par contre la présentation du marché local doit permettre d’appréhender ce marché en particulier au niveau de la concurrence à laquelle sera effectivement confronté le franchisé. Il est essentiel qu’une analyse sérieuse soit faite par le franchiseur car l’importance de cette concurrence, ainsi que sa répartition, peuvent être déterminants pour la pérennité du fonds.
Les échecs passés
Enfin la loi impose au franchiseur de fournir la liste des contrats ayant été résiliés ou non reconduits au cours de l’année précédent la signature. Il s’agit là d’une information essentielle puisque permettant d’avoir une approche du turn-over dans le réseau. Malheureusement le fait que cette information ne porte que sur une année en réduit considérablement la portée.
Des propositions d’amélioration
La première amélioration pouvant être apportée au texte consisterait à exiger la communication de la liste des franchisés ayant cessé l’activité au cours des trois ans précédant la signature de la convention projetée. La seconde amélioration consisterait à prévoir la fourniture par le franchiseur des chiffres d’affaires réalisés par les succursales. Dans le même ordre d’idées le franchiseur pourrait également fournir les chiffres réalisés par les franchisés installés dans des villes présentant les mêmes caractéristiques que celles dans laquelle l’implantation est envisagée. Les franchiseurs se réfugient souvent derrière « la nécessaire confidentialité » pour refuser de fournir ces chiffres. Cet argument n’est pas sérieux : toute société commerciale est censée déposer ses comptes au greffe du tribunal de commerce. De plus, le franchiseur détient nécessairement les chiffres d’affaires réalisés par les franchisés puisque ceux-ci servent de base au calcul des redevances.
En ce qui concerne les chiffres des succursales, il est évident que chaque franchiseur les suit au quotidien et ce, même s’il ne peut, pour des raisons de comptabilité, fournir concomitamment les résultats obtenus. La transmission de ces éléments permettrait à un futur franchisé de s’engager en connaissant non pas ses propres chances de succès mais la situation exacte des autres magasins. D’autres éléments pourraient être utilement transmis par le franchiseur. Ainsi les sommes investies dans les campagnes de publicité constituent une indication précieuse sur le dynamisme d’une enseigne et le développement de sa notoriété, élément essentiel de la notion même de franchise.
Enfin le rapport entre le nombre de succursales et le nombre de magasins franchisés permet de comprendre les orientations du franchiseur. L’existence de succursales prouve a priori que le franchiseur croit à son concept et corrobore la viabilité de celui-ci. Mais un réseau composé essentiellement de succursales n’est pas rassurant pour autant : les franchisés risquent de se sentir minoritaires et le franchiseur peut être enclin à favoriser les intérêts des succursales au détriment de ceux de ses partenaires.
Le constat est nuancé mais malheureusement décevant ; le législateur de 1989 a fait preuve de bonne volonté mais les mesures prises sont aujourd’hui très insuffisantes. La loi, en l’état actuel, ne remplit pas son objectif qui était de permettre à un futur franchisé de s’engager en toute connaissance de cause. Des améliorations pourraient aisément être mises en place à condition qu’il y ait une véritable volonté politique. Le Cidef pour sa part a la ferme intention d’oeuvrer dans ce sens.
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