Le franchisé face à la crise

le 02 juillet 2009

La crise profite-t-elle à la Franchise ou freine-t-elle son développement ? Si la franchise va bien en période de croissance car l’activité économique forte et soutenue profite à tous les réseaux et surtout aux franchisés qui sont en prise directe avec le marché et les consommateurs, elle va aussi bien en période de crise car les réseaux peuvent plus facilement se développer.
Cette affirmation très optimiste de Gérard Touati, rédacteur en chef de « l’Officiel de la Franchise », ne doit pas faire oublier que ces temps d’incertitude économique requièrent de la part du franchisé la plus grande prudence.

I Franchisés : redoublez de vigilance en temps de crise !

La crise se traduit en entreprise par des licenciements. Dans le cadre des réseaux de franchise, elle se manifeste par le non-renouvellement du contrat de franchise.

Candidats-franchisés, choisissez minutieusement votre réseau

Pendant que certains subissent les méfaits de la crise, d’autres en profitent pour s’étendre, en rachetant à bas prix des sociétés mises à l’encan. Christian Lacroix est à saisir ; le patron d’Illico travaux, jeune réseau de courtage en travaux d’intérieur, s’est offert un pan de la Camif pour l’euro symbolique. Le groupe Beaumanoir a mis la main sur Morgan, Avis a finit de croquer Budget et la famille Mulliez, par Kiabi interposé, s’offre Vêtimarché. Même s’il on peut espérer que ces opérations financières donnent une seconde vie à ces enseignes, qui peut se porter garant de l’avenir de leurs franchisés, affiliés et coopérateurs ?

Il devient vital pour de nombreux franchisés de se poser les bonnes questions en ces temps de crise économique : quelle type de pression le franchiseur peut-il exercer sur le franchisé en cas d’une baisse de rentabilité économique du réseau? Peut-il se séparer de boutiques franchisées sous prétexte qu’elles ne sont pas assez rentables à ses yeux ? Peut-il augmenter d’une manière ou d’une autre les redevances versées par le franchisé ? Quelles conditions peuvent être proposées au franchisé dans le cas où le franchiseur serait partie à une opération de rachat ou de fusion avec un autre réseau (Vêtimarché, Budget ou Coccinelle) ? A cet égard, la chambre commerciale de la Cour de cassation a décidé dans un arrêt du 3 juin 2008 que « le contrat de franchise conclu en considération de la personne du franchiseur ne peut, sauf accord du franchisé, être transmis par l’effet d’un apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions ».

La situation économique impose aux franchisés, actuels ou futurs, la plus grande vigilance quant aux relations qu’ils entretiennent avec leur franchiseur.

Le candidat franchisé doit évaluer avec une attention toute particulière la fiabilité de son interlocuteur et ne pas se laisser séduire par un contrat de franchise attractif au premier abord. De ce point de vue, la prolifération des franchises de service, due notamment au peu d’investissement qu’elles réclament et à la force de persuasion des franchiseurs qui promettent monts et merveilles, est un exemple de la trop grande naïveté des franchisés. Il est primordial d’analyser soigneusement le contrat et le Document d’Information Précontractuel, d’éplucher les comptes du franchiseur et des franchisés existants, et surtout de consulter un avocat spécialisé d’un côté, un expert-comptable de l’autre.

Franchisés actuels, anticipez et évitez d’éventuels litiges

Quant aux actuels franchisés, pourquoi ne pas anticiper une situation litigieuse en ressortant dès à présent le contrat signé, pour étudier minutieusement les clauses auxquelles l’on ne prête pas attention au moment de la signature ?

Il est également recommandé de garder une trace écrite de toutes les relations entretenues avec le franchiseur, dans le but de se préparer de manière optimale à un éventuel litige. Ainsi, le franchisé prouvera par anticipation qu’il est vertueux, de bonne foi, et que la baisse de son chiffre d’affaire n’est pas la résultante de son manque d’assiduité au travail.

II. La franchise : une solution anti-crise ?

La franchise une « valeur refuge » quand les temps sont durs

Le dernier Salon de la franchise qui s’est tenu du 13 au 16 mars 2009 à Paris, a montré que, malgré la crise, les français aiment la franchise. La franchise apparaît comme une opportunité anti-crise. Elle est avant tout le partage d’une réussite ! Yves Marot, conseil en franchise, qualifie même la franchise de « système de réitération de la réussite ».

Dans le même esprit, l’enquête annuelle sur la franchise de 2008, réalisé par l’institut CSA, a révélé que la franchise possède des fondamentaux solides.

A la question « Pourquoi un candidat rejoint-il un réseau ? », plusieurs raisons peuvent être évoquées, notamment la notoriété et la réputation de l’enseigne, le suivi et l’assistance dont bénéficie le franchisé, ainsi que le fait de bénéficier de la force d’un réseau. Pour toutes ces raisons, la franchise est considérée une « valeur refuge ».

De plus, il apparaît que la franchise française est mature et réserve une place prépondérante à la politique d’animation, au dialogue franchiseur/franchisé, et à la politique de formation qui crée une dynamique de groupe. 

En conséquence, formation, animation, services additionnels de la part du franchiseur sont autant d’atouts qui font que les adhérents demeurent attachés à leur réseau.

L’animation du réseau assure la réussite de chaque membre du réseau. Cette réussite, selon Gilbert Mellinger, membre du collège des experts de la fédération française de la franchise, a trois conséquences vertueuses : la création des «émotions positives », l’accès au modèle économique vertueux du franchiseur, l’accélération de la croissance du réseau.

Au surplus, être intégré à un réseau de franchise présente, pour le franchisé, l’énorme avantage de cumuler indépendance juridique et liberté d’entreprendre, tout en bénéficiant d’un concept, de la notoriété et du soutien logistique d’un réseau.

Par-dessus tout, la tendance actuelle des tribunaux à requalifier des contrats de location-gérance, de gérance-mandat, ou de commission-affiliation en contrat de travail s’étend au cas des contrats de franchise. Une telle requalification, qui reste exceptionnelle, peut permettre aux franchisés d’être soumis au très protecteur droit du travail.

La franchise n’est pas une panacée

Il ne faut cependant pas idéaliser la situation économique du franchisé. Celui-ci ne doit pas oublier qu’il est un chef d’entreprise indépendant. De ce point de vue, Philippe le Tourneau a  fait remarquer que « les franchisés doivent garder à l’esprit que l’assistance technique du franchiseur ne constitue en aucune façon une assurance tous risques ».

Le franchisé doit donc assumer pleinement son projet et prendre une part active à son élaboration. Franchise ne doit pas être synonyme d’assistanat. Les juges ont d’ailleurs eu l’occasion de rappeler à maintes reprises que « l’esprit et l’essence de ce type de contrat est l’autonomie du franchisé et nullement l’obligation de lui fournir un tuteur permanent et polyvalent » (CA Bordeaux, 1e juin 1998, Sirmar c/ SGBM).

Ainsi, le franchisé doit avoir conscience qu’il est un « commerçant responsable du fonctionnement de son commerce [et] que la réalisation du chiffre d’affaires dépend de son dynamisme et de sa compétence » (CA Paris, 25 février 2000, Cocidac c/ Choc Bel). Le franchisé ne doit donc pas attendre du franchiseur qu’il pallie son éventuelle carence. Au surplus, dans un contexte de récession économique, les franchiseurs ne sont nullement comptables d’un retournement de conjoncture. L’appartenance à un réseau de franchise ne met donc pas le franchisé à l’abri des aléas de l’économie ; la crise ne doit pas servir d’alibi pour faire un mauvais procès au franchiseur.

De plus, le franchiseur n’est pas tenu par une obligation de résultat. D’ailleurs, la Cour de cassation a jugé que « si la clientèle locale fait […] partie du fonds de commerce du franchisé » c’est parce que cette clientèle « est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en œuvre à ses risques et périls » (Cass com, 27 mars 2002, arrêt Trévisan).

En conclusion, s’engager en franchise, ne constitue nullement une assurance tout risque. Il s’agit avant tout de construire un projet personnel, avec l’appui d’un réseau.  

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