Bail commercial et franchise
le 16 mars 2005
Le régime juridique des baux commerciaux a été élaboré à une époque où les réseaux de distribution intégrée étaient inexistants en France. Il est régi par le décret du 30 septembre 1953.
Le principe posé par ce décret est que le locataire bénéficiant d'un bail commercial peut, à l'issue de la période de 9 ans, exiger du propriétaire que le contrat soit renouvelé. En cas de refus de la part du propriétaire, ce dernier est tenu de verser à son locataire une indemnité dite d'éviction qui est calculée sur les résultats enregistrés par le fonds exploité dans le local loué.
Pour bénéficier du droit au renouvellement du bail définit par le décret de 1953, il est nécessaire que le locataire :
- justifie d'un titre locatif opposable au propriétaire du local c'est à dire qu'il soit signataire du contrat de bail,
- soit propriétaire du fonds exploité dans le local.
L'article 4 du décret de 1953 précise en effet que :
"le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux. Le locataire qui n'est pas propriétaire du fonds de commerce exploité dans les lieux, ne peut prétendre au renouvellement du bail dont il est titulaire."
La réunion de ces deux conditions ouvre droit à la propriété commerciale, c'est à dire au droit au renouvellement du bail commercial. Si la première condition posée par le texte ne pose pas de difficultés pratiques, il en va différemment de la seconde condition. Elle impose de déterminer qui est le véritable propriétaire du fonds de commerce. Pour cela, il convient de lister les éléments constitutifs du fonds de commerce.
Définition du fonds de commerce
Le fonds de commerce a été défini par la loi du 17 mars 1909 comme étant un ensemble de biens corporels et incorporels qu'un commerçant personne physique ou morale affecte à une exploitation commerciale. C'est parmi les éléments incorporels que se trouve notamment la clientèle.
Position du problème
Il a été soutenu que le défaut de propriété d'un seul des éléments constitutifs du fonds de commerce faisait perdre à l'exploitant la propriété commerciale : il ne peut demander le renouvellement du droit au bail ou à défaut le versement d'une indemnité d'éviction.
Les bailleurs de fonds désireux d'échapper à l'obligation de renouveler le bail et au versement de cette indemnité d'éviction ont pu soutenir que le locataire, exploitant le fonds de commerce en franchise, n'en pas était pas propriétaire.
Ils ont soutenu que la clientèle du fonds de commerce était attirée par la seule enseigne à l'exclusion des autres éléments du fonds. L'enseigne est la propriété exclusive du franchiseur.
Ainsi, et parce que la clientèle constitue l'élément fondamental du fonds, attirée par une enseigne dont le franchisé n'est pas propriétaire, certains bailleurs ont dénié au franchisé la propriété commerciale.
Deux décisions ont été rendues à ce sujet.
Dans une affaire AVIS, il a été jugé que le franchisé n'était pas titulaire de la clientèle attachée au fonds. Le bailleur a, à bon droit, refusé le renouvellement du bail sans verser d'indemnité d'éviction.
Dans une affaire DESCAMPS, la position adoptée par les juges est diamétralement opposée. Il a été jugé que le franchisé était propriétaire de son fonds de commerce en dépit de l'apposition d'une enseigne.
Dans une troisième espèce, il a été retenu que la clientèle était tant attachée à l'enseigne qu'à la situation géographique du fonds et à la qualité des services : un expert a été désigné par les tribunaux afin de déterminer la part de chacun de ses éléments dans le développement et le maintien de la clientèle.
La doctrine a majoritairement critiqué la position adopté par la jurisprudence AVIS : les conséquences de cette analyse étant sévères et dangereuses tant pour le commerçant franchisé que pour les franchiseurs.
Les conséquences
La première conséquence de la jurisprudence AVIS est de priver le commerçant du droit au renouvellement de son bail. Le commerçant qui a créé et développé une clientèle pendant neuf ans doit cesser son activité.
Dans le cadre de cette cessation d'activité, il ne peut récupérer l'investissement qu'il a effectué lors de son lancement car il ne peut revendre son fonds de commerce privé de son bail commercial.
Le commerçant perd ainsi le capital qu'il a initialement investi mais aussi la force de travail qu'il a fourni pendant toute la durée d'exploitation du fonds. Les conséquences pour le franchisé sont donc dramatiques.
Les précautions à prendre
Afin d'éviter ces écueils et de protéger les franchisés de la spoliation à laquelle conduit l'argumentaire qui vient d'être évoqué, il convient de soumettre conventionnellement et expressément le bail commercial aux dispositions du décret de 1953.
Il convient de faire apparaître de manière claire et incontestable que chacune des deux parties au contrat de bail est consciente de ce que l'activité exploitée dans le local le sera en franchise.
Le locataire et le propriétaire, dans une formule appropriée, peuvent prévoir que la propriété commerciale de l'exploitant ne sera pas remise en cause, que chacune des parties a conscience de ce que la clientèle attachée au fonds est la propriété de l'exploitant même s'il n'est pas propriétaire de l'enseigne.
Ce type de formules peut compléter utilement les clauses d'un contrat de bail commercial et éviter les contestations ultérieures.
Par ailleurs, l'insertion d'une clause au contrat de franchise en vertu de laquelle, les parties à cette convention acceptent de considérer que la clientèle attachée à un fonds de commerce donné est la propriété de l'exploitant et non celle du titulaire de l'enseigne peut venir compléter la protection juridique. Le contrat de franchise est remis et annexé au contrat de bail. Le bailleur ne peut plus soutenir ne pas être informé de la situation particulière de son locataire et affirmer que la clientèle attachée au fonds est la propriété du franchiseur puisque ce dernier a volontairement admis que la clientèle était la propriété du commerçant franchisé.
En conclusion
La jurisprudence évoquée ci-dessus n'a été ni confirmée ni infirmée par la Cour de Cassation. L'interrogation reste entière quant à la propriété des fonds de commerce exploité en franchise au regard du décret de 1953.
Pour contourner les désagréments liés à la remise en cause du bénéfice du décret de 1953, il est impératif de compléter les stipulation des contrats vous liant tant au propriétaire des locaux, qu'à votre partenaire franchiseur en vous faisant aider, le cas échéant par des professionnels du droit.
Du point de vue du franchiseur, les résultats de cette jurisprudence, sont à terme alarmants. Les franchisés informés de cette situation ne prendront plus le risque de perdre leur investissement et leur force de travail et refuseront d'exercer en franchise. Les franchiseurs seront alors privés de franchisés marquant le déclin des réseaux.
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