Que reste-il de la loi Doubin ?
le 22 août 2016 / Monique Ben Soussen
L’évolution récente de la jurisprudence, en particulier celle de la Cour d’Appel de Paris, doit conduire les futurs franchisés à faire preuve de la plus grande prudence avant de s’engager dans un réseau. La loi Doubin, reprise aux articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce, protège théoriquement le candidat à la franchise contre la réticence dolosive du franchiseur en mettant à la charge de ce dernier une obligation d’information précontractuelle.
Mais la loi Doubin a vu son champ d’application peu à peu se réduire comme une peau de chagrin : les conditions d’application de ce texte sont aujourd’hui si souples qu’elles en deviennent illusoires et n’assurent plus la protection qui était dévolue par le législateur aux candidats à la franchise.
Initialement l’application des articles L 330-3 et R 330-1 impliquait que le franchiseur devait prouver, en cas de litige, avoir fourni les éléments prévus par la loi afin de permettre à son futur partenaire de s’engager en toute connaissance de cause. Pendant l’âge d’or de la loi Doubin, l’absence d’information faisait présumer le vice du consentement du franchisé.
Mais le libéralisme ambiant a abouti à un renversement de la charge de la preuve : aujourd’hui c’est au franchisé mécontent de prouver qu’il ne se serait pas engagé s’il avait eu connaissance de tel ou tel élément détenu par le franchiseur.
Dans le passé, les tribunaux sanctionnaient sévèrement les franchiseurs qui établissaient des comptes prévisionnels excessivement optimistes, sous réserve que le franchisé parvienne à prouver que ces comptes n’avaient pas été élaborés à partir des chiffres réels du réseau.
Les têtes de réseaux ont alors trouvé une parade astucieuse : au lieu de fournir des comptes prévisionnels, elles se contentent de transmettre au franchisé les éléments nécessaires à leur élaboration. En clair le prévisionnel à proprement parler est élaboré par le franchisé… Mais sur la base des données chiffrées transmises par le franchiseur ! Ce dernier est blanchi, puisqu’il n’a fait que fournir des éléments au franchisé.
Le franchiseur crée ainsi un écran de fumée qui rend plus complexe la recherche de sa responsabilité.
Cette stratégie de dilution de la responsabilité a pu se révéler payante devant certaines juridictions. Il reste toutefois possible d’engager la responsabilité du franchiseur en prouvant qu’il a fourni des éléments erronés au candidat à la franchise.
La question est en réalité très simple : qui mieux que le franchiseur détient les éléments permettant d’élaborer des comptes prévisionnels ? Qui mieux que le franchiseur peut évaluer le chiffre d’affaires futur ? Qui mieux que le franchiseur connaît la marge pouvant être réalisée dans les boutiques sous son enseigne ?
Ce rappel de l’évolution jurisprudentielle et des méthodes utilisées par les têtes de réseau est une mise en garde nécessaire pour tous les candidats à la franchise. Les juges ont aujourd’hui tendance à considérer qu’embellir la réalité n’est pas mentir, et que cacher certaines informations à son futur partenaire ne constitue pas une faute mais une façon presque classique de séduire ! Ainsi le mensonge, l’omission, le fait de cacher certains éléments pourtant pertinents n’entrainent plus automatiquement l’annulation d’un contrat. Il ne suffit plus de prouver que le partenaire a menti, il faut en plus prouver que l’on ne se serait pas engagé si l’on avait eu connaissance de l’information cachée.